L’expression d’une Vision et d’Objectifs clairs produit des résultat à condition que l’Organisation soit à même de s’en saisir et de les traduire au niveau opérationnel.
Le choix d’un type d’organisation crée des dynamiques de communication et de management qui peuvent prendre le pas sur la réalisation des objectifs affirmés.
Les symptômes d’une Organisation Produit dysfonctionnelle
- L’équipe commerciale vend des fonctionnalités qui n’existent pas, et ne correspondent pas à la Vision Produit
- Le Marketing vante le Produit dans un langage que lui seul comprend
- Le Support est vu comme une activité coûteuse, de peu de valeur ajoutée
- En cas de problème, les développeurs commencent par dire qu’ils ont fait ce qu’on leur a demandé
- Le patron s’étonne de ne pas avoir été consulté pour le changement de couleur d’un bouton
- ...
Parmi les sociétés concernées par ces problèmes, combien sont celles qui affirment mettre le client au centre de leurs préoccupations ? Probablement la totalité.
L’organisation par silos fonctionnels
Dans une organisation classique par département, les salariés sont rassemblés par domaine d’activité / compétence (silos fonctionnels) : SI, Design, Marketing, Commerciaux,...
Dans cette configuration, tout le monde s’accorde sur le fait que le client est leur boussole… Mais chacun a sa propre compréhension de la Proposition de valeur.

Chaque silo a son propre prisme et mesure sa performance non par rapport à la valeur créée pour le client ou la société mais par rapport à des objectifs qui sont propres à sa fonction (tenue des délais, mesure de qualité, CA généré,...).
Pour maintenir un minimum d’intégrité, l’organisation en silo a un besoin intensif de communications : l’information voyage de bas en haut, les décisions de haut en bas, et s’y ajoute les efforts transverse de coordination (en “mode projet” par exemple).

Or les communications peuvent échouer à atteindre leur but. L’échec des communications a été théorisé par le professeur Wiio en 1978 dans un ensemble de principes. En voici 2 :
Communication usually fails except by accident
The more we communicate, the worse communication succeeds
Il en résulte que :
- Plus la distance (en nombre d’intermédiaires) entre la source du feedback et le lieu de décision est élevée, plus l’information est déformée.
- Plus la distance entre le lieu de décision et le lieu d’exécution est élevé plus le résultat obtenu est éloigné du résultat souhaité.
L’organisation Produit
Le principe de Conway
Melvin Conway a énoncé le principe qui porte son nom en 1967 :
Any organization that designs a system (defined broadly) will produce a design whose structure is a copy of the organization’s communication structure.
Si on souhaite avoir un Produit qui soit vraiment centré sur le client, le principe de Conway voudrait qu’on adopte une organisation qui soit alignée sur les intérêts du client.

Aligner l’organisation sur le parcours utilisateur
Le parcours utilisateur est fait d’une succession de tâches :
Rechercher un cinema à proximité
Consulter la liste des films à l’affiche
Consulter les horaires des séances d’un film
Réserver sa place
Payer en ligne
Recevoir un email avec un code barre
Scanner le code barre à l’entrée du cinéma
L’organisation orientée Produit s’aligne sur ces étapes : des équipes cross-fonctionnelles sont chacune en charge d’un périmètre Produit correspondant à une ou plusieurs étapes du parcours utilisateur : Inscription, Embarquement, Notifications...
Ces équipes réunissent en leur sein l’ensemble des compétences nécessaires à la prise de décision et à la réalisation en toute autonomie : recherche utilisateurs/clients, ingénieurs, designer, product manager...
Dans une telle organisation, les processus de feedback, de décision et d’exécution sont rassemblés au sein d’un même équipe à taille humaine (la règle des 2 pizzas veut que tous les membres d’une équipes puissent se nourrir sur 2 pizzas - taille américaine - soit de l’ordre de 8 personnes)

Ce choix d’organisation se reflète dans le Produit où les fonctionnalités sont alignées sur le parcours utilisateur plutôt que l’inverse. Et dans dans la technologie, où les “services” épousent les contours des fonctionnalités Produit.
D’ailleurs, le mouvement autour des architectures “micro-services”, très en vogue, fait d’une organisation Produit un préalable à la mise en oeuvre de ce type d’architecture.
Une telle organisation modulaire a par ailleurs un avantage majeur sur l’organisation en silo : la scalabilité.
L’organisation en silo grossit en ajoutant des couches intermédiaires, des départements,... Chaque couche supplémentaire génére un surplus d’information, tout en constituant un frein supplémentaire à sa circulation.
L’organisation Produit, elle, grossit simplement en ajoutant de nouveaux modules (ou scindant des modules existants pour leur conserver une taille humaine).
Go Lean : réduire les besoins de communication

Accorder une grande autonomie aux équipes, c’est avoir confiance dans le fait qu’elles s’alignent sur les priorités de la société.
C’est le rôle de la Stratégie (Vision et Objectifs) que de créer cet alignement. Le rôle du top management est donc de savoir transmettre cette stratégie.
Des équipes modulaires coordonnées par une stratégie claire, c’est aussi un rôle réduit pour le management intermédiaire.
Conclusion
Déjà en 1968, la Harvard Business Review se faisait l’écho du débat entre mode d’organisation Fonctionnelle (au sens par département) et mode d’organisation Produit.
L’importance du mode d’organisation est aujourd’hui largement reconnu chez les sociétés les plus innovantes. Au point de devenir en lui-même un sujet d’expérimentation et d’innovation :
- Andrew McInnes et Daisuke Miyoshi ont publié une étude réalisée auprès d’une vingtaine de startup américaine sur l’articulation entre Product Management et Growth Hacking. 2 modèles émergent : le modèle “Indépendant” et le modèle “Fonctionnel”. (https://medium.com/swlh/how-do-you-choose-the-best-growth-team-model-632ad5a85be9#.gluaolb7s)
- Plusieurs modèles d’organisation sans aucun management sont apparus et utilisés chez quelques pionniers : Holacratie (Zappos, Medium), One-Person-Startup (Angelist) ou d’autres formes d’auto-organisation (Valve, Buffer)